«J’étais-Mécano-au-rallye-du-Maroc-2018»

« J’étais Mécano au rallye du Maroc 2018 »

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Cette année, le rallye du Maroc 2018 changeait d’organisateur pour sa 19ème édition. En effet, David Castera orchestrait sa première édition, une épreuve du championnat du monde qui réunissait pas moins de 31 nationalités. 

Le parcours d’environ 2 000 km sillonnait les déserts, les montagnes et les pistes cassantes au milieu des oueds entre Fès et Erfoud. Au programme, du spectacle dans toutes les catégories : moto, quad, auto, SSV et même camion. 

Objectif : le Dakar

Tout d’abord je vais vous expliquer pourquoi. 

J’ai pour défi de participer en 2020 au célèbre Rallye Dakar dans la catégorie Moto. Le temps est compté, mon expérience dans le monde du rallye est clairement nulle. Il faut « vite » apprendre. Avant d’enfourcher ma KTM RALLY en avril prochain, je voulais voir les « à-côtés » les spécificités et les secrets. Rien ne se laisse au hasard lorsque l’on traverse le désert à moto pendant 1 semaine. J’ai alors contacté l’équipe NOMADE RACING ASSISTANCE spécialisée dans le métier. L’entreprise est basée à Saulnot dans l’Est de la France. Ma motivation était grande, je voulais partir avec eux ! C’est après plusieurs échanges téléphoniques et un entretien sur place que j’ai intégré l’équipe en tant que mécanicien accompagnateur.

«J’étais-Mécano-au-rallye-du-Maroc-2018»
L’équipe d’assistance Nomade installée dans le sable marocain.

équipe Nomade

L’équipe d’assistance Nomade, comme plusieurs sur le rallye, vous accueille sous son stand et prend en charge votre moto pendant toute la durée de la course. Nettoyage, révision, remise en ligne: tout y passe le soir quand vous rentrez. Il ne vous reste qu’à vous préparer pour le lendemain grâce aux conseils de la manager Angel’. Ils proposent également des formules « full » avec location d’une moto de course toute équipée. 

C’est seulement 10 jours après notre entretien que je débarque dans l’Est afin de préparer le chargement. 6 motos et 1 quad sont à charger pour partir au Maroc. Un fourgon XXL, un poids lourd Kerax Renault et un plateau sont nécessaires pour envoyer les tonnes de matériel. 

22h de conduite, 7h de traversée…

Il est 6h du matin, c’est le départ. Nous devons rejoindre le sud de l’Espagne pour prendre le bateau. Il aura fallu 22h de conduite en seulement 24h pour atteindre le port. Les grandes pauses ne sont pas au programme. La traversée de la Méditerranée durera 7h. Difficile de dormir quand les mécanos des équipes concurrentes racontent leurs superbes anecdotes pendant tout le trajet. Arrivée au port de Nador, c’est le contrôle des douanes, le matériel est inspecté par les autorités marocaines. Je vois alors pour la première fois des migrants se faufiler dans certains recoins de véhicule de course. L’aventure est lancée : BIENVENUE AU BLED! 

Grandes découvertes pour moi : les ânes, les petits taxis, la règle de conduite… Tant de choses ! Ce n’est qu’après 7h, soit 39h totale de camion, que j’atteins la ville de départ Fès. L’hôtel fait du bien, le petit plongeon rapide dans la piscine aussi.

Journée «tranquille» pour commencer

Le lendemain, les crêpes et le thé à la menthe du petit déjeuner sont particulièrement appréciables. La journée s’annonce «tranquille» : rencontre des pilotes, montage du stand dans le parc fermé, nettoyage des motos et dernière mise au point. On y est, les gros stands de championnat du monde sont montés. D’un côté, les machines d’usine KTM, les Honda, Yam’… tout ce qui fait rêver sur les réseaux. De l’autre côté, les 4 roues continuent de travailler sur leurs produits. Chez Nomade, c’est également chirurgical. En 10 ans à monter des centaines de fois le stand, ils ont eu le temps de cogiter où allait le rouleau d’essuie-tout, l’emplacement exact des sardines, la taille précise du collier Rilsan pour maintenir les tonnelles! Rien n’est laissé au hasard. C’est ça le rallye…

«Je me demande pourquoi je ne roule pas»

Après avoir fait la connaissance des pilotes, toute l’équipe se retrouve dans le grand amphi’ pour le grand briefing. Tout le monde est là, chacun porte la chemise de son équipe, les stars se font des blagues entre eux… C’est le top des mirettes! Les pilotes amateurs sont alignés devant la scène et applaudis par les pros. Ils passent les premières infos sur un écran géant. À ce moment là, je me demande simplement pourquoi je ne roule pas. 

Prologue : seulement 36 km au programme pour la première journée de course. Les pilotes vont pouvoir découvrir pour certains les appareils de navigation, pour d’autres c’est le test de leur nouvelle moto en condition de course. 

Le rallye est lancé

Pas de fiesta le soir, départ à 5h30 pour les pilotes le lendemain matin. 320 km sur la route avant de rejoindre le départ de la spéciale. Il est 7h du matin, ils traversent l’Atlas, la montagne du Maroc par la route. Il fait 7°C dehors. Nous, nous avons le chauffage à fond dans le camion. A 11h, 21°C, ce sont les premiers départs de la spéciale sur piste cette fois-ci. Le rallye pour les pilotes est lancé. 170 km à fond : piste, un peu de désert, oueds, herbe à chameaux, etc… Quel monstrueux plaisir d’entendre les lignes Akra’ pousser tous leurs rapports en départ de spéciale. Bref, ce n’est pas fini pour nous, direction Erfoud. Deuxième parc fermé, on remonte le stand. Un parking de sable est mis à disposition par l’organisation derrière l’hôtel Chergui. Les pilotes arrivent après leur dure première « vraie » journée. Le premier à 16:00, le dernier à 22:45 ! Les motos sont lavées à la station-service voisine, contrôle général et entretien courant jusque tard… Ça part à 6:00 demain ! Les journées se suivent. Le troisième jour mon pilote revient le soir avec l’avant arraché suite à une lourde chute. Le système de navigation est à remplacer entièrement. L’équipe a du stock mais il faudra tout de même 5h et 3 mains pour remonter un système neuf à 2500€ pour espérer repartir le lendemain. Le 4ème jour, c’était la pause/quartier libre. Les pilotes partaient pour 2 jours sans assistance : c’est l’«étape marathon». Un filtre à air dans le sac à dos suffisait. Ils allaient dormir dans un bivouac. Du Toby Price à «Jean-Guy», en passant par Stéphane Peterhansel, tout le monde dans la même tente! On retrouve les pilotes le lendemain soir. Les motos sont entières. Pneus, vidange et filtre à air suffiront pour faire la dernière journée de 600 km, le retour sur Fès. 

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Les motos sont nettoyées et contrôlées après chaque étape.
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La découverte du matériel en vue du Dakar…

Un finish dans les montagnes

Nous avions eu un temps magnifique pendant toute la semaine mais le dernier jour, ils n’ont pas été gâtés. Des pluies battantes se sont abattues sur les pilotes pendant une bonne partie de la journée donnant une difficulté supplémentaire à la discipline. Le rallye se termine dans les montages entre cailloux et sapins sur des grandes pistes rapides. A l’arrivée, en plus de votre satisfaction personnelle, vous repartez avec une plaque dorée Finisher et une photo avec l’organisateur sous l’arche gonflable. Certains avaient prévu leur t-shirt « World Champion » et leur bouteille de champagne mais pas nous ! 

Les Bretons premier et troisième.

Les 2 pilotes bretons, Sébastien COUE et Grégory STRUGEON, n’avait pas prévu de champagne non plus malgré leurs première et troisième places sur le podium de la catégorie ENDURO-CUP. Belle performance !

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Photo devant l’Arche d’arrivée pour Florent Vayssade et Jean-François Trolard.

«J’ai appris tout au long du périple»

J’ai appris tout au long du périple à quoi sert tel appareil, comment est branché celui-là, quoi manger, comment s’habiller, quoi prendre dans ses poches. J’ai beaucoup regardé les pilotes, posé des questions. J’ai redonné beaucoup d’importance à la navigation. Par manque de vigilance, deux pilotes de l’équipe ont chuté lourdement sur un danger pourtant signalé dans le roadbook. J’ai observé le rythme et l’intensité de pilotage nécessaires pour participer à une telle épreuve. Cependant, en rallye, vous pouvez également venir en touriste, faire simplement des demi-journées. Vous prendrez des pénalités mais vous serez réintégré à la liste de départ du lendemain (idéal en cas de casse). Mais pas au Dakar. 

Pierre-Louis Le Bonniec


Suggestions de lecture à propos du Dakar :
Julien Jagu, en route pour le Dakar !
Willy Blanchard, le Dakar en ligne de mire…